Le Conseil des XV, qu'était-ce donc ?
C’est souvent que les nouveaux arrivants dans le quartier des Quinze demandent quel était ce Conseil des XV qui a donné son nom au quartier.
Pour tenter de répondre à la question, il faut d’abord évoquer le Magistrat de Strasbourg. Celui-ci n’était pas, comme dans l’acception actuelle du terme, une personne physique, mais l’institution, complexe et démocratique à l’extrême, administrant la ville.
Le Magistrat, système de gouvernement hérité du Saint Empire Romain Germanique, au sein duquel Strasbourg avait un statut de ville libre, avait été laissé en vigueur par Louis XIV après la capitulation de Strasbourg en 1681 ; il fonctionna jusqu’à la Révolution, époque à laquelle il fut remplacé par la Municipalité.
A la tête du Magistrat se trouvait un « Ammeister », élu parmi les bourgeois pour une année, et quatre « Stettmeisters », élus parmi la noblesse chacun à tour de rôle pour un trimestre. En 1685 le roi institua le « Prêteur royal », chargé de participer en son nom aux assemblées du Magistrat avec droit de véto ; à la veille de la Révolution il jouissait de fait d’un pouvoir absolu.
Le Magistrat était composé de trois chambres : le Conseil des XIII, traitant des affaires étrangères et militaires de la République de Strasbourg, le Conseil des XV, traitant des affaires intérieures, et le Conseil des XXI, sans attributions particulières.
Parallèlement au Magistrat il existait un Grand Sénat et un Petit Sénat (juridictions judiciaires), un Conseil d’Echevins (représentant la bourgeoisie), et 20 « Tribus » (corporations des métiers), ainsi que de nombreuses autres instances, dont nous ne traitons pas ici.
Le Conseil des XV ou Chambre des XV (die Fünfzehner Kammer) existait depuis 1433. Il était composé de 5 nobles et 10 bourgeois, cooptés à vie comme tous les membres du Magistrat. Il avait pour mission de veiller au maintien de la constitution de la cité (en vigueur depuis 1482 jusqu’en 1790), à la conservation des droits et privilèges de la Ville, ainsi qu’à l’application des lois et à la rédaction des projets de loi.
Il contrôlait les membres du Magistrat et les employés de la ville dans l’exercice de leurs fonctions. C’est devant le Conseil des XV que l’Ammeister qui prenait la régence, chef véritable de la cité avant l’avènement du Prêteur royal, promettait de remplir ses fonctions avec zèle et fidélité.
Le Conseil des XV avait en charge les affaires des maîtrises, c’est-à-dire le commerce et l’industrie, et faisait fonction de cour d’appel commerciale. Il était compétent en matière de police et de finances, et surveillait la perception des impôts.
Les membres du Conseil des XV percevaient des traitements et émoluments tarifés en argent et en nature, en fonction des compétences, responsabilités et représentations qu’ils exerçaient. A titre anecdotique, on mentionnera que leurs veuves recevaient une pension de 600 fagots de bois…
Parmi leurs nombreuses attributions, les membres du Conseil des Quinze exerçaient un droit de jouissance sur les jardins et biens-fonds de la ville, et en particulier sur le secteur de prairies humides dénommé « Fünfzehnerwörth » dont faisait partie l’actuel quartier des XV, ce qui explique qu’il ait hérité de ce nom vénérable.
Jean-Luc DÉJEANT, mai 2012
Sources : E. Müller 1862, E. Seinguerlet 1881, A. Seyboth 1894, ADIQ 1985.
Remerciements à P. Deutsch, des Amis du Vieux Strasbourg, pour son visa éclairé