La Neustadt et le campus impérial

On parle beaucoup de la Neustadt ces derniers temps. Notre quartier faisant partie de cette extension urbaine remarquablement planifiée et exécutée par les Allemands entre la fin du XIXe siècle et la première guerre mondiale, il convenait d’en dire un mot.

 

La Neustadt est l’un des rares exemples, à une échelle aussi importante, de l’urbanisme germanique de la Belle Epoque. Une « nouvelle ville » que le plan Conrath, du nom de son concepteur, a eu le mérite de créer sans déposséder l’ancienne ville de ses fonctions ; une leçon de planification et d’urbanisme dont on gagnerait à se souvenir.

 

Une grande homogénéité architecturale ressort de cet ensemble d’édifices aux destinations diverses ; leur construction soignée a été conçue pour durer au moyen de matériaux de qualité, de méthodes artisanales et d’un savoir-faire scrupuleux. Le style, dit historiciste, puise son inspiration dans différentes périodes de l’Histoire.

 

La Ville de Strasbourg travaille depuis longtemps sur une demande de classement d’une partie de la Neustadt au patrimoine mondial de l’Humanité de l’UNESCO, dont le quartier universitaire.

 

En parallèle elle a lancé une procédure d’extension du Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur (PSMV) à ce secteur de la Neustadt ; le périmètre de l’extension a été arrêté fin 2011 par le Préfet.

 

Dans ce contexte est réalisé en ce moment un inventaire poussé du patrimoine de la Neustadt par les services de la Région Alsace.

 

Parmi les plus belles constructions figure le quartier universitaire impérial et son bâtiment emblématique, le Palais universitaire, l’un des premiers bâtis de la Neustadt.

 

Classé Monument Historique, le Palais universitaire saisit le passant par sa monumentale façade de grès, sobre et empreinte de dignité. Le style classique est d’inspiration renaissance italienne. On note les bossages de ses soubassements, les galeries à arcades de part et d’autre du pavillon central, ce dernier ouvrant en haut d’un imposant escalier. Sur les corniches se dressent les statues des principaux représentants de la culture et de la science allemandes.

 

A ce lieu de réunion des savoirs de l’époque s’est directement relié le pouvoir politique groupé autour de la place impériale, l’actuelle place de la République, où trône le palais du Kaiser, aujourd’hui Palais du Rhin, qui lui a fait face à l’autre bout de « l’axe impérial » qu’est de nos jours l’avenue de la Liberté.

 

Le campus s’étend à l’est jusqu’au jardin de l’Observatoire dont l’élégant bâtiment aux quatre frontons ouvragés, coiffé de sa grande coupole, a malheureusement été flanqué en 1998 de quatre extensions modernes cubiques aux parois de verre, probablement fonctionnelles, mais signe du peu d’égards dont on a pu faire preuve pour le patrimoine monumental universitaire.

 

A sa suite en remontant vers le Palais, on traverse le Jardin Botanique, de type anglais. Lieu de charme, classé Monument Historique, il a perdu de sa superbe depuis qu’au bord de la rue Goethe a jailli, peut-être des profondeurs de l’enfer, un monstrueux blockhaus de béton et de ferraille qui abrite l’Institut de Botanique.

 

Ce gigantesque cube moderne porte une grave atteinte aux lieux avoisinants. Et dire que les Grandes serres, chef-d’œuvre monumental de l’architecte du campus impérial Hermann Eggert, ont été détruites pour construire… ça, au lieu d’être restaurées après les dégâts de l’orage de grêle de 1958.

 

Notons que ce building n’est pas critiquable en soi – il aurait parfaitement sa place dans un quartier universitaire moderne ou dans une zone industrielle –, il est critiquable par son inadaptation au secteur patrimonial qui l’entoure, au sein duquel il génère une pollution visuelle majeure. Sa démolition tôt ou tard sera l’unique solution acceptable dans l’intérêt de l’Université, du quartier et de la ville.

 

Entre ces deux beaux Jardins et le Palais universitaire sont répartis les divers instituts universitaires, construits dans la même homogénéité de style et la même grande qualité, et aérés eux-mêmes d’autres jardins dont le Jardin universitaire central. On n’aura pas le loisir de les décrire ici.

 

Malgré les quelques atteintes subies, le campus wilhelmien demeure un ensemble homogène de très belle allure, unique en son genre dans notre pays.

 

Jean-Luc DÉJEANT, novembre 2012

Sources : « Strasbourg - Un ensemble à sauvegarder : la Neustadt », Société des Amis du Vieux Strasbourg, 2003