Usine Stracel : nouvelles usines à venir, sérieuses interrogations

L’usine Stracel a été pendant de longues décennies un émetteur olfactif bien connu des Strasbourgeois. Elle fait partie des industries du port du Rhin avec lesquelles l’ADIQ a été amenée à discuter, directement ou sous l’égide du SPPPI, en vue d’une amélioration de ses rejets à l’atmosphère.

 

Au début des années 2000 Stracel a vendu son unité polluante dite « de pâte chimique » aux Chinois. Dès lors la pollution a été considérablement réduite, même si l’unité de production de papier magazine a pris le relais, mais avec un outil moderne.

 

Les choses se sont gâtées en 2010 - 2011, lorsque la maison mère finlandaise, UPM Kymmene, a décidé de vendre Stracel. Malgré le combat syndical, digne de bout en bout, pour la conservation de l’emploi, la situation a tristement abouti au licenciement des 250 employés du site début 2013.

 

Sur ces 250 personnes, 130 ont été réembauchées par le repreneur de l’usine, le groupe Blue Paper qui associe le belge VPK et l’allemand Klingele. Toutefois cette nouvelle usine ne produira plus du papier magazine à base de bois mais du carton d’emballage à base de papier recyclé. Blue Paper devrait commencer à produire vers la fin de 2013.

 

Mais une seconde usine est également projetée sur le site Stracel. C’est le projet dit BTL, une usine de production de biocarburants de 2e génération à base de bois avec création de 67 emplois directs (plus des emplois indirects dans le massif vosgien dont le nombre n’est pas vérifiable et qui, même si l’on ne peut s’en désintéresser, ne concernent pas Strasbourg).

 

Ce projet BTL a été soutenu tous azimuts par les politiques locaux, toutes couleurs confondues, jusqu’à Helsinki, siège de UPM qui porte le projet. La difficulté étant que UPM a annoncé qu’il ne déciderait qu’en 2014 de se lancer ou pas, , après s’être assuré des perspectives de prix à long terme (c’est donc possible ?) et des disponibilités en bois (c’est plus simple).

 

L’on peut dire que le groupe finlandais fait la fine bouche, quand on sait qu’il est d’ores et déjà assuré de bénéficier d’un co-financement européen à hauteur de 50 % des investissements, et d’un partenaire solide en la personne de Total lui-même. La nouvelle usine, si UPM confirme son projet, ne sera pas en production avant 2016.

 

Mais ce qui nous intéresse est surtout de savoir quel peut être l’impact sur l’environnement lié à la disparition de l’usine de papier magazine et à l’apparition des deux nouvelles usines ?

 

L’usine Stracel consommait jusqu’à sa fermeture récente 400 000 tonnes de bois par an, dont 85 % de chutes de scieries et 15 % de bois d’éclaircissage de forêts.

 

La nouvelle usine Blue Paper ne consommera pas de bois mais uniquement du papier recyclé. Quant à la nouvelle usine BTL elle devrait consommer 1 million de tonnes de bois, soit infiniment plus que l’actuelle usine Stracel.

 

En ce qui concerne le seul transit par route, le nombre de camions nécessaires à l’acheminement du papier recyclé pour Blue Paper devrait être équivalent à celui de l’ancienne usine Stracel. En revanche il se rajoutera un surplus de… 150 camions semi-remorques par jour ( ! ) destinés à l’usine BTL, avec la pollution et les risques attenants.

 

S’agissant de la pollution des eaux souterraines, on sait que les pompages de Stracel dans la nappe jouaient un rôle régulateur, en ce sens qu’ils permettaient de prélever l’eau polluée des nappes superficielles aux fins de protéger l’eau des nappes profondes, celle que nous buvons. Qu’en sera-t-il des pompages des nouvelles usines ? On ne sait pas.

 

Le stockage des 100 000 tonnes par an de biocarburants est quant à lui projeté non sur le site de production, mais au port aux pétroles. Ce même port aux pétroles dont les Robertsauviens demandent régulièrement le déménagement en raison, justement, des risques que font courir les stockages de carburants à la population. Est-ce cohérent ?

 

Pour ce qui est des futurs rejets à l’atmosphère, aucune donnée fiable n’a filtré à ce jour. Et c’est pourtant un paramètre essentiel. En effet le fossé rhénan, entre Vosges et Forêt-Noire, au creux duquel se trouve Strasbourg, est très peu balayé par les vents. La conséquence est que les polluants sont très peu dispersés. A Strasbourg intervient un phénomène dénommé « dôme de pollution urbain », sorte d’immense cloche à fromage posée sur la cité qui y retient les polluants sous l’effet de mécanismes d’inversion de température.

 

Les spécialistes investis dans cette question savent qu’il n’est  pas raisonnable aujourd’hui d’accueillir dans le fossé rhénan, déjà saturé en rejets, des industries polluantes supplémentaires. Les 67 emplois potentiels de BTL sont précieux. L’air que respirent les presque 280 000 Strasbourgeois intra muros est également précieux. Les élus locaux se sont démenés ostensiblement pour les 67. Pensent-ils aux 280 000 ?

 

Jean-Luc DÉJEANT

Mai 2013

 

Usine Stracel : nouveau projet industriel

 

Il y a une dizaine d'années, l'usine de pâte à papier Stracel était encore considérée comme le principal pollueur de Strasbourg. Puis l'usine a arrêté son ancienne unité polluante, dite de pâte chimique, vendue en pièces détachées à des industriels Chinois au début des années 2000.

Fonctionnant depuis avec une usine moderne, l'industriel ne fait quasiment plus parler de lui en matière de pollution. Il y a quatre ans une première tentative d'extension de l'activité industrielle s'était soldée par un renoncement de la maison mère finlandaise.

Aujourd'hui Stracel revient en force présenter un projet de création d'une usine de fabrication de carburant vert dit de deuxième génération, du bio-diesel, avec pour matière première des déchets de bois.

Soit un million de tonnes de bois par an pour lequel Stracel, selon ses prévisions, s'approvisonnerait dans un rayon de 350 km autour de Strasbourg, en France, Allemagne et Autriche, pour l'acheminer sur le site de Strasbourg.

Le nombre d'emplois créés à Strasbourg serait selon l'industriel de 50 qui s'ajouteraient aux 300 que compte déjà l'usine pour la fabrication de papier. Le transport des déchets de bois se ferait à 70 % par la route et le restant par l'eau et le rail. Le carburant fabriqué (110 000 tonnes par an) serait transféré dans les stockages du port aux Pétroles.

Malheureusement les responsables français et finlandais, venus le 5 octobre présenter le projet devant le Secrétariat pour la Prévention des Pollutions Industrielles (SPPPI), n'ont pas été en mesure de parler de l'impact du projet sur l'environnement, encore à l'étude ont-ils indiqué.

Un rapide calcul en ce qui concerne le transport par route permettait d'évaluer le nombre d'arrivées de camions supplémentaires à Strasbourg à environ 150 par jour. Pour ce qui est des rejets à l'atmosphère liés au procédé de combustion, on ne sait rien encore.

Ce projet industriel pose la question de savoir si le fossé rhénan et la ville de Strasbourg qui, ne bénéficiant pas d'une bonne dispersion par les vents, sont déjà saturés des émissions polluantes des zones industrielles de Strasbourg et de Kehl, peuvent encore accueillir des rejets supplémentaires à l'atmosphère.

Une enquête publique pourrait être ouverte au premier trimestre 2011 en mairie, à l'occasion de laquelle chaque citoyen pourra donner son avis.

 

Jean-Luc DÉJEANT

Novembre 2010