Patrimoine de l'Université de Strasbourg : Quand les faits font mentir les mots

 

Lors du « 3e Forum du Patrimoine », organisé fin octobre par la Ville au Palais Universitaire, l’un des exposés (non programmé) avait trait au patrimoine universitaire. Deux jeunes chercheurs présentaient l’histoire du campus impérial, soulignant que « l’Université s’intéresse à son patrimoine ».

 

Ils racontaient pour l’anecdote le souci des universitaires, en 1900, choqués par l’intrusion de la première station de sismologie, un bâtiment bas en briques (aujourd’hui musée de sismologie) dans le jardin universitaire. La planification harmonieuse du départ et l’architecture générale prestigieuse du campus s’en trouvaient perturbées.

 

Mais que diraient-ils aujourd’hui, ces vénérables professeurs, s’ils sortaient de leurs tombes, et apercevaient l’énorme blockhaus de béton et de fer de l’institut de botanique, en bordure de la rue Goethe ? Et quand bien même sera-t-il démoli (on ne peut que souhaiter que le délai soit bref), cela ne fera pas ressusciter les extraordinaires grandes serres de Hermann Eggert, que l’Université aurait pu choisir de restaurer après les dégâts de grêle, au lieu de les raser purement et simplement.

 

Et si ces augustes universitaires se hasardaient à flâner dans le Jardin Botanique, ils auraient un choc fatal – s’ils n’étaient déjà morts – en découvrant l’admirable observatoire astronomique… aujourd’hui flanqué de quatre extensions cubiques de verre et d’aluminium qui le défigurent irrémédiablement.

 

Et que ressentiraient-ils encore, ces doctes professeurs, si, remontant vers le Palais Universitaire, ils passaient devant un parallélépipède lui aussi d’aluminium et de verre, annexe de la faculté de physique, fort peu en harmonie avec les bâtiments néo-classiques du campus impérial ?

 

Et enfin si ces malheureux personnages avaient eu l’idée de venir assister au 3e Forum du Patrimoine, en salle Pasteur du Palais Universitaire, n’auraient-ils pas été interloqués par la décoration intérieure en panneaux colorés suspendus, dans une salle à l’origine empreinte de solennité ?

 

Non, décidément il est préférable que ces érudits ne sortent point de leurs tombes, s’ils ne veulent mourir une seconde fois, cette fois de dépit et d’incompréhension.

 

Si, comme elle le dit, l’Université s’intéresse vraiment à son patrimoine – et il est exceptionnel –, peut-être a-t-elle pris conscience du devoir qui est le sien de le préserver, dans le respect de l’esprit de ses premiers créateurs ?

 

Jean-Luc DÉJEANT

Novembre 2013