HISTOIRE D'UNE ÉLÉGANTE HABILLÉE DE FER
L'élégante passerelle Ducrot vient de reprendre du service après s'être refait une beauté. L'occasion de fouiller dans les archives municipales pour retrouver l'histoire de cet ouvrage d'art donnant un accès des plus plaisant à nos quartiers, entre la rue du Général Ducrot et le boulevard Paul Déroulède. Nous sommes en 1888, lorsque les propriétaires du secteur décident d'adresser une missive commune à la municipalité de l'époque pour demander la construction d'une passerelle piétonnière en fer sur l'Ill ("aux frais de la Ville", est-il précisé).
Et le message est bien passé, car dans la foulée la municipalité lance un appel d'offres pour la construction d'une passerelle métallique sur l'Ill à proximité de la Porte de l'Ill, qui est remporté par la maison Quiri et Cie de Schiltigheim.
Car nous nous trouvons alors au sortir de la grande "révolution industrielle" qui vit en particulier l'essor de l'architecture du fer. L'usage du fer pour la construction des ponts commence avec le pont parisien d'Austerlitz, sous le Premier Empire, jusqu'à devenir usuel à la fin du 19e siècle.
Un constat au passage, dont pourraient s'inspirer certains contemporains aux oeuvres se voulant révolutionnaires : la révolution industrielle a su construire en alliant le solide et la grâce, le sérieux et l'esthétique. La première appellation de l’élégante fut "passerelle de la Porte de l'Ill" en raison de la présence, à proximité, d'une porte dans les fortifications allemandes de la ville aujourd'hui démantelées (à côté se tenait le bâtiment d'octroi, toujours en place rue Lauth). En 1919 il s'en faut de peu que la passerelle ne parte à la ferraille, la Ville projetant de la remplacer par "un pont-route en béton armé", projet heureusement abandonné. En 1927 elle est rebaptisée passerelle Ducrot, quelques années après que la rue sur laquelle elle débouche eût pris le patronyme de ce général.
A noter que Paul Déroulède (1846-1914), écrivain et homme politique qui donne son nom au boulevard qui débouche de l'autre côté de la passerelle, fut lui aussi capturé en 1870 et s'évada également. Pour terminer sur l'histoire de cette passerelle : jadis née pour éviter un détour, elle mérite aujourd'hui le détour. Uniquement pour le plaisir de l'emprunter.
Jean-Luc DÉJEANT, novembre 2008, avec le concours passionné de Maurice MOSZBERGER, co-auteur du Dictionnaire historique des rues de Strasbourg, pour la traduction des archives en allemand gothique, et l'avis éclairé de Pierre DEUTSCH, de la Société des Amis du Vieux Strasbourg. |