Les Oiseaux, III

Serait-ce un remake d’un film d’épouvante ? Tout de même pas, mais les habitants s’interrogent sur l’augmentation du nombre de corbeaux et corneilles en ville.

 

C’est que ces corvidés deviennent omniprésents dans nos quartiers ; on les observe survolant nos toits en bandes noires étonnamment denses, déambulant sans crainte sur nos trottoirs, ou faisant leur ordinaire, dans des nids qui ne sont pas les leurs, de quantités d’œufs et de poussins, notamment d’innocents passereaux.

 

Cette situation nouvelle méritait que l’on s’informe un peu auprès de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) pour informer à notre tour les lecteurs du Quinze.

 

En Alsace les effectifs de corbeaux freux sont suivis par la LPO. Il ressort des recensements de cette association nationale bien connue un effectif d’environ 21 000 corbeaux freux nichant en 2009 en Alsace, chiffre auquel il faut ajouter environ 32 000 jeunes de l’année, sans compter une grosse population de corbeaux freux non nicheurs qui ne peuvent être recensés. Les corneilles noires sont également nombreuses mais ne sont pas recensées.

 

Tout ceci donne des effectifs élevés, qui s’accompagnent d’un rapprochement de plus en plus des habitations par les corbeaux, en raison en premier lieu de l’agriculture alsacienne intensive avec la « monoculture du maïs ». Celle-ci laisse sur les champs de nombreux grains après récolte qui attirent et entretiennent les corbeaux.

 

Une autre cause est la destruction par les activités humaines des prédateurs naturels de ces oiseaux que sont l’autour des palombes et le hibou grand-duc, dont le nombre est très faible en Alsace. La destruction des haies et des bosquets le long des champs joue également.

 

Si l’intensification de l’agriculture ne date pas d’aujourd’hui, elle est défavorable à l’environnement : absence des rotations culturales nécessaires au bon équilibre des sols, pollution des sols, des cours d’eaux et des nappes phréatiques par les pesticides et les engrais chimiques.

 

Mais comme les corvidés s’attaquent aux semis et aux récoltes des cultures intensives, ils deviennent nuisibles, alors qu’à l’origine ils jouent un rôle clé dans le cycle de la nature, en utiles prédateurs d’insectes, souris et autres indésirables, et nettoyeurs des cadavres de petits animaux dans les cultures.

 

Ainsi en Alsace le corbeau freux et la corneille noire sont-ils classés nuisibles, et une limitation des populations est pratiquée chaque année sur plusieurs milliers de ces oiseaux. En ville toutefois les procédés d’élimination (tirs, piégeages, destruction de nids) sont inenvisageables. Et on n’est pas près de voir le maïs baisser en superficie en Alsace, le prix des céréales ayant considérablement grimpé ces dernières années.

 

Faute de pouvoir régler le problème à la source, des solutions seraient techniquement possibles pour éloigner les corbeaux et corneilles des villes, mais le sont-elles économiquement, cela est une autre question.

 

Jean-Luc DÉJEANT , novembre 2012

                                                                            

Nous remercions vivement la Ligue de Protection des Oiseaux Alsace, 8 rue Adèle Riton à Strasbourg, et sa médiatrice Mme Hélène Baillais, pour les données transmises sur les corvidés. Les réflexions de fond de cet article n’engagent que son auteur.