C'est en 1445 que Jean Geiler nait à Schaffhouse. Son père Hans est secrétaire de la municipalité, et lorsqu'on lui propose la même fonction à Ammerschwihr, la famille choisit de s’y établir. A cette époque où la bourgade n'est pas encore porteuse du 51e grand cru de vin d'Alsace, des ours peuvent se trouver dans les vignes ! Et Hans l'apprend à ses dépens : il est tué par un plantigrade en 1449. C'est alors le grand-père qui prend le jeune Jean chez lui à Kaysersberg et se charge de son éducation et de ses études.
Elève studieux, il entame de brillantes études d'art en 1460 à l’université de Fribourg en Brisgau. En 1471, il étudie à l’université de Bâle et devient docteur en théologie. En 1476 il retourne à l’université de Fribourg enseigner les Saintes Ecritures et en devient le recteur.
Il y prêchera durant 32 années, tous les dimanches et durant le Carême et les fêtes religieuses. Il puise dans son importante bibliothèque les thèmes de ses sermons et les rend accessibles à tous, se référant par exemple aux fourmis : « A la petitesse des fourmis correspond l'humilité, et à la couleur noire la simplicité. »
Disciple fidèle du grand théologien Jean Gerson, chancelier de l’université de Paris, il a pour ambition de suivre sa voie en ouvrant l'éducation religieuse aux « simples gens ». Il combat les vices et la misère qui sévissent, fustige les riches spéculateurs, n'épargne pas les religieux, fussent-ils de haut rang, n'hésitant pas à comparer les couvents à des maisons de passe !
Il ne cesse de solliciter des évêques successifs une juste réforme catholique, sans résultat. En 1508, ayant perdu espoir d'y parvenir, Jean Geiler songe à se retirer dans un ermitage. Il poursuit néanmoins sa mission à la Cathédrale jusqu’à ses derniers jours, en 1510. Sept années plus tard éclate la Réforme protestante...
On célèbre cette année le cinq-centième anniversaire de sa mort. A la Médiathèque André Malraux sont conservés de nombreux ouvrages de celui qui restera l'un des plus grands prédicateurs et écrivains religieux de la fin du du Moyen-Age.
Les paysans alsaciens à l'époque de Geiler : dans ce 15e siècle prospère, trop d’inégalités marquent la paysannerie, qui conduiront à la « Guerre des Paysans » à partir de 1525. D'un côté les paysans riches, qui font des réserves de céréales et de vin les années d’abondance pour les vendre au plus haut les années de faible récolte. De l'autre les petits paysans qui, ne disposant pas de greniers et de tonneaux, doivent brader leurs produits et voient leurs moyens de subsistance accaparés par les Seigneurs. Les paysans riches vivent dans l'excès et s’adonnent à la boisson. Sébastien Brant et Jean Geiler condamnent leur inconduite, qui se traduit aussi dans l'habillement : « Il y a trente ans, à Ammerschwihr, le seul homme qui portât un manteau court était l’appariteur. Tous portaient des habits longs comme il était d’usage chez les paysans d’autrefois. Maintenant, ils portent des habits aussi courts que dans les grandes villes ! », tonne Jean Geiler.
Nicole KAH
Mai 2010 |